Hybris

Entre chien et loup, quand l’aube encore grelottante passe le relais et les consignes à l’aurore qui piaffe d’impatience, c’est souvent là que les oiseaux sont les plus fous et les plus vulnérables. Débordants d’énergie après une nuit de repos, ivres des effluves du petit matin et pas encore arraisonnés par les monstrueuses machines des bipèdes humains, nombreux sont ceux qui terminent leur vol dans la calandre d’une voiture. Il fut un temps où baignant dans l’univers d’Ovide et de Virgile je voyais, quasi réellement, des naïades se glisser, à mon approche, dans l’eau de la Mérantaise, petite rivière qui serpente paisiblement au fond de ma vallée. C’était l’époque aussi où, pris d’une nostalgie holderlinienne, la poésie me forgeait un esprit et une personnalité rétifs à toute modernité. La technologie m’était monstrueuse et je craignais que l’humanité dans sa folie prométhéenne ne soit, comme dans le mythe, dévorée par l’aigle du dieu. Ainsi je comparai les motards arrimés à leur bolide rugissant aux dangereux centaures de l’Odyssée. En écrivant ces lignes je songe aux petits écoliers grecs d’antan qui apprenaient Homère par cœur et je ne peux m’empêcher de penser que mon imagination a été en partie tuée ou, au moins, atrophiée par une enfance catéchisée.   

2 Réponses to “Hybris”

  1. Lasource Says:

    « et pas encore arraisonnés par les monstrueuses machines des bipèdes humains, »
    Le sens précis de cette phrase m’échappe, surtout le mot « arraisonné » ici… On « arraisonne un bateau pirate » (par la force on ramène le délinquant à la raison) mais les zoizeaux ? Pardon ne ne pas suivre ici…
    Le reste m’est clair. Mais pour la question finale, il ne faut pas ignorer l’ÉNORME littérature grecque théologico/philosophico/religieuse orthodoxe qui prolongea l’Héllénisme à partir des premiers siècles, et sans laquelle la science ne chercherait pas l’unicité du monde, de l’UNI-versus, depuis quelques centaines d’années. Il ne faut pas oublier le fondement théologique monothéïste de la science : son but est de trouver l’équation de base de l’univers, celle qu’Einstein, ayant réduit la physique à trois équation et voulant aller au-delà, espérait fusionner en une, c’est à dire à l’Idée divine fondamentale.
    Le science postule qu’un créateur unique se cache derrière ce qui paraît un chaos, et que le boulot de cosmification de ce chaos consiste à trouver les lois que le Monodieu a instaurées pour son fonctionnement. S’il n’y avait pas ce présupposé logique, personne en science ne chercherait quoi que ce soit : les polythéïsmes n’ont pas produit de sciences, mais par exemple le Taô, etc… Un monde variable sans lois constantes. Il y a avait déjà chez Socrate et les autres philosophes grecs (Platon entre autres) un soupçon monothéïstique, ou de hiérarchie telle, qui s’est vu fleurir à travers l’apport du christianisme avec lequel il a fusionné, par le grand but qu’on eu les esprits éminents des pères de l’Eglise – notamment Syméon le Nouveau Théologie, d’exploiter les réflexions « rationnelles » et la pénsée des penseurs qui les avaient précédés, pour les mettre au service de leur foi monothéïste.
    Enfin on pourrait en reparler.
    Cordialement.

  2. Serge Says:

    L’essence de la technique est « arraisonnement » dit Heidegger. L’empire de la technique s’étend donc à l’homme et à mes « zoziaux », c’est du moins comme ça que je comprends (et utilise) le terme du philosophe. Mais c’est vous qui êtes heideggerien, pas moi !
    Sinon c’est sur qu’on peut faire remonter la notion d’unicité divine jusqu’à même Homère où Zeus dans l’Iliade chapeaute tous les autres dieux « secondaires ».
    Et oui, aussi, l’apport du monothéisme est indéniable dans le développement de la science (bien que j’ai tellement entendu cet argument de la part des théologiens que j’en arrive à avoir des doutes…) Il n’empêche que je me demande quand même si ce fameux « miracle » grec des V et IVème siècles avant J.C n’est pas aussi du à cette religion mythologique polythéiste plutôt tolérante et totalement plastique qui a permis d’explorer tous les champs possibles de la connaissance d’alors y compris celui qui empruntait un prisme rationaliste athée. Deux mille ans plus tard Descartes a un mal fou à se débarrasser de la scolastique qui empoisonnait les quelques velléités scientifiques de l’époque.
    Personne ne remet en cause l’immense apport culturel et savant de la littérature grecque des Pères de l’Église et d’après, mais pour avoir fréquenté assez longtemps des théologiens cathos et des exégètes protestants ce que j’en ai retenu c’est que dans cet uni-vers monothéiste on dénie (pour ne pas dire qu’on méconnait) la source originelle gréco-latine laquelle était polythéiste donc mais a aussi inventé l’athéisme (Protagoras par exemple) ce qui a toujours hérissé le poil des adeptes (les anciens comme les actuels) du Vieux Tout Puissant.
    J’ai bien conscience de ne rien vous apprendre (c’est bien plutôt le contraire) mais, Xavier, puisque vous êtes invité là-bas, où (comme je vous le disais ailleurs) 90% de la population se déclare chrétienne (croyante ?), essayez donc de déclamer quelques diatribes antireligieuses ailleurs que dans les cercles littéraires et intellectuels, vous y serez peut-être reçu comme St Paul sur l’agora d’Athènes. O tempora, o mores comme disait l’autre !

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